Plan du récit de formation

Introduction :

L’identité professionnelle des travailleurs et travailleuses sociales est complexe, fluide, multiple et se renégocie constamment au sein d’un milieu de travail donné, de manière parfois complémentaire, parfois conflictuelle (Healy, 2014). 

Dans une visée de compréhension plus poussée de ces phénomènes existants dans la profession, le processus de formation de mon identité professionnelle sera documenté à la lumière de mon stage finale d’intervention en travail social.

L’identité professionnelle des travailleuses sociales comportent trois ancrages principaux selon Bélanger et Genest-Dufault (2017). En effet, la pratique d’un.e professionnel.le donné.e est teintée par des ancrages à la fois biographiques, théoriques et pratiques. Nous observerons ainsi comment se sont manifestées ces trois composantes dans le cadre de la formation pratique II et III. 

En effet, dans le cadre de cet essai, sera explorée comment mes savoirs d’expériences, théoriques et pratiques ont été constitutifs du développement de mon identité de travailleur social en devenir, et ce, dans un milieu de pratique parfois cohérent et parfois conflictuel avec mon identité professionnelle en devenir. Nous observerons également la manière dont ces composantes influent sur le projet académique planifié.

1. Savoirs d’expérience qui vous ont mené à vouloir devenir T.S.

Enfance : nature sensible, curieuse et marginale. 

Adolescence : développement du sens de l’éthique et politisation. Premières expériences d’oppression vécues en lien avec identité queer = colère et souffrance sociale (Fassin, 2004).

Cégep : premiers cours de sociologie et de psychologie ; théorie de la reproduction sociale (Bourdieu et Passeron), patriarcat, théories queer (Butler), sexologie (Kinsey), théories de l’apprentissage (Pavlov, Piaget), psychanalyse (Freud). – Vif intérêt et construction de la pensée critique. Premières expositions quotidiennes à des personnes ouvertement « marginales » : personnes trans, personnes travailleuses du sexe, personnes consommatrices de drogues, issues de la communauté itinérante, personnes vivant avec un trouble de santé mentale, racisées, militantes. Accentuation de l’ouverture d’esprit.

Études en psychologie : passionnant, mais il manquait de revendication, de prise en compte des facteurs structurels, de subjectivité. Aversion pour l’élitisme, la stigmatisation, la surresponsabilisation, les rapports de pouvoir existants dans la relation thérapeutique et la déshumanisation du sujet. Grand intérêt pour les théories humanistes (Rogers, Heiddeger, Jager), psychanalytiques (Jung, Winnicott) et la psychologie communautaire (Saïas).

Travail sur soi et processus thérapeutique : prises de conscience des situations d’oppression vécues, reprise de pouvoir, développement d’outils d’auto-gestion de l’anxiété. – moratoire identitaire, influant conséquement sur l’identité professionnelle.

2. Aspirations en début de formation.

Travailler sur mes habiletés d’interventions : composante thérapeutique-réflexive (Bélanger et Genest-Dufault, 2017).

Connaître davantage la profession de travailleur social : la composante judiciaire des interventions, le rôle, le contexte organisationnel de nature institutionnelle.

Accéder à de la formation théorique : en apprendre sur la réduction des méfaits, l’approche interculturelle, systémique, motivationnelle, l’empowerment, etc.

3. Principaux savoirs théoriques et méthodologiques sur lesquels repose aujourd’hui votre identité professionnelle en construction (idéalement, faites des liens avec plus de 3 cours). 

Influence des enseignements de François-Xavier Charlebois (chargé de cours), sur ma posture professionnelle : approche biographique, narrative, critique, multidisciplinaire.

TRS1120 : Théories explicatives du comportement humain et contexte social. – Influence des théories marxiste, humaniste et psychanalytique sur ma posture professionnelle.

TRS2290 : Intervention sociale avec des groupes en travail social. - Application pratiques : étapes de l’intervention, phénomènes de groupe, fonction et résolution des conflits.

TRS2650 : Intervention auprès des familles en travail social. – Influence de l’approche systémique et narrative sur ma posture professionnelle.

PSY4190 : Psychologie humaniste. – Approches herméneutique et phénoménologique incarnées dans la pratique.

4. Expériences de stages les plus significatives et les savoirs pratiques que vous en avez tirés.

Transition entre stage d’intégration et stage d’intervention : « choc » et constat que les apprentissages faits en pratique sont parfois subtils, mais pertinents et facilitent la consolidation des acquis.

Blocages multiples et réalisation de l’importance de mobiliser les ressources à sa disposition, même si cela est confrontant et inconfortable.

Recadrage de la pratique et responsabilisation de l’usager comme moyen de reprise de pouvoir.

L’importance de respecter ses compétences en travaillant en équipe et en mobilisant d’autres professionnel.le.s pour des tâches spécifiques.

Place centrale de l’éthique dans la profession et importance de la confiance professionnelle comme outil d’intervention.

5. Apprentissages/enseignements retenus des rencontres d’analyse de pratique à l’UQAM. 

Importance de garder sa couleur comme professionnel.

Conserver une liberté critique en lien avec le milieu côtoyé : ne pas hésiter à sortir du cadre précis pour mobiliser des outils pour l’intervention - « renégociation »

S’interroger sur les expertises des différent.e.s acteurs en présence lors de l’intervention.

6. Identifier vos principaux besoins de formation continue à court, moyen, long terme et énumérer les moyens envisagés pour enrichir vos connaissances et vos compétences. 

Beaucoup de besoins en formation continue sont présents. À mon avis, la formation continue sera une composante essentielle à ma pratique professionnelle au long de ma carrière. Néanmoins, j’entends m’investir massivement en termes de formation continue lors de ma première année de pratique.

Court terme :

- Évaluation psychosociale en rapport avec les régimes de protection de la personne majeure (OTSTCFQ).

- Intervenir auprès de la personne suicidaire à l’aide de bonnes pratiques (Suicide Action Montréal).

- Formation SCPD (ENA).

Moyen terme :

- Formation et supervision à l’approche systémique (Formation externe de l’OTSTCFQ).

- Formation de l’Alternative en santé mentale et de la Gestion autonome de la médication (RRASMQ).

Long terme :

- Microprogramme de 2e cycle en art-thérapie (UQAT).

- Formation en psychothérapie (OPQ).

7. Faites ressortir 3 constats concernant votre dernière année de formation en T.S.

La profession de travailleur.se sociale présente une grande différence par rapport à ce que j’avais imaginé et ce qui est présenté dans le baccalauréat : rôle plus instrumental, pratique, peu de place pour la réflexivité et l’approche critique vs. idéal thérapeutique, théorique, militant, axé sur le changement social.

Il y a plusieurs façons d’être travailleur social, toutes aussi complémentaires.

L’importance du travail d’équipe, tant disciplinaire que multidisciplinaire, comme outil d’intervention et enrichissement de la posture professionnelle.

8. Lister vos prospectives professionnelles dans 1 an, 5 ans et 10 ans.

Dans un an, je me vois effectuer ma maîtrise en travail social, je souhaite me spécialiser en approche alternative en santé mentale, en approche systémique et en études de genre. Je me vois également évoluer comme professionnel, que ce soit dans le contexte du soutien à domicile ou ailleurs, en contexte institutionnel ou communautaire. En parallèle, je souhaite effectuer de la recherche scientifique et commencer mes premiers pas en enseignement, que ce soit comme auxiliaire de cours ou correcteur.

Dans 5 ans, je souhaite rester à l’université afin d’effectuer une spécialisation ou un doctorat – profil professionnel (Psy. D.) en psychologie humaniste ou communautaire. Dans le même ordre d’idée, je souhaite travailler dans le domaine de la santé mentale, en domaine institutionnel ou communautaire. Je souhaite également enseigner au niveau collégial ou universitaire. Par le fait même, j’envisage maintenir mon implication en recherche scientifique en travail social.

Dans 10 ans, j’aimerais être instigateur d’un projet de clinique multidisciplinaire alternative en santé mentale. L’objectif : développer une approche d’intervention systémique et axée sur l’empowerment tenant compte de : l’effet des oppressions sur la santé mentale, l’effet de la reprise de pouvoir sur les facteurs favorisant la santé mentale, de la promotion des modes de vie alternatifs tels des facteurs favorisant la santé publique, des potentialités de prévention du trauma, tout cela en tenant compte des déterminants sociaux de la santé. Cela comprendrait divers volets : un volet recherche, visant à documenter, promouvoir et enrichir l’approche alternative en santé mentale comme approche théorique d’intervention, un volet art-thérapie, visant à travailler à la fois sur l’autoréalisation et l’émancipation par la créativité (Jager, 2004), et la psychothérapie, ici perçue à la fois comme laboratoire relationnel, mais aussi comme espace thérapeutique identitaire et émancipatoire.

Bibliographie annotée

Bélanger, E. et Genest-Dufault, S. 2017. Le processus de développement de l’identité professionnelle en travail social : l’apport de la formation pratique. Dans S. Genest-Dufault, A. Gusew, E. Bélanger et I. Côté (dir.), Accompagner le projet de formation pratique en travail social. Presses de l’Université Laval.

Commentaire : Ce texte a souvent été un repère pour moi, dès le début de ma formation pratique (TRS4001). Il m’a guidé dans la complexité professionnelle de la travailleuse sociale, m’a rappelé les ancrages de la profession et m’a aiguillonné lorsque je ne percevais plus de sens à mes apprentissages.

Elkaïm, M. (2004). L'expérience personnelle du psychothérapeute : approche systémique et résonance. Psychothérapies, 24, 145-150. https://doi.org/10.3917/psys.043.0145.

Commentaire : Ce texte a amplement influencé ma posture professionnelle. Il m’a donné des outils afin de mobiliser ma subjectivité et mes savoirs expérientiels dans l’intervention.

Fassin, D. (2006). Souffrir par le social, gouverner par l'écoute : Une configuration sémantique de l'action publique. Politix, 73, 137-157. https://doi.org/10.3917/pox.073.0137.

Commentaire : Les travaux de Didier Fassin documentent une souffrance psychique non seulement attribuable à des facteurs individuels, mais ayant une manifestations sociale ; désaffiliation, rupture de liens sociaux, marginalisation, liès à des faits sociaux. À mon sens, cela est exactement la focale du travail social.

Healy, K. (2014). Social Work Theories in Context: Creating Frameworks for Practice. Macmillan Education UK.

Commentaire : Le texte de Healy documente la pluralité et l’interinfluence existant au sein de la pratique du travail social de la part, à la fois du contexte de pratique et du ou de la professionnel.le, prenant une forme discursive. Conséquemment, l’identité de la travailleuse sociale est en constante renégociation.

Jager, B. (2004). Rilke’s « Archaic Torso of Apollo ». Concerning the encounter with a work of art. Journal of Phenomenological psychology.

Commentaire : Ce texte fût novateur dans la formation mon identité professionnelle. En effet, on y retrouve la pertinence de la créativité, tel un moteur d’autoréalisation, de changement thérapeutique. Ainsi sont approché.e.s les aidé.e.s suivi.e.s : êtres créatifs, dotés de potentialités.

St-Amand, N. (2003). Interventions opprimantes ou conscientisantes? Reflets, 9(3), 139-162. https://doi.org/10.7202/011094ar.

Commentaire : Ce texte fût très évocateur dans l’optique de la formation d’une approche critique en lien avec les apprentissages réalisés dans le cadre d’un stage en milieu institutionnel.

Turcotte, D et Deslauriers, J. (2017). Méthodologie de l'intervention sociale personnelle (2e éd.). Presses de l'Université Laval.

Commentaire : Ce livre est un ouvrage de référence majeur auquel je me rapporte, que ce soit en lien avec les étapes de l’intervention, la rédaction d’évaluations du fonctionnement social, l’élaboration de plans d’interventions ou l’application de certaines approches en travail social. Les informations contenues sont claires, concises et formatrices.


Comments

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  2. À la lecture de ton plan de récit de formation et de projet de formation continue, je constate qu'une grande place de ton identité professionnelle en construction est dédiée à tes savoirs théoriques/académiques. En effet, déjà dans ton plan il y a plusieurs références et tu offres une bibliographie commentée qui souligne l'importance que plusieurs écrits ont eu dans la construction de ton identité professionnelle. De plus, tes prospectives professionnelles dénotent tout l'intérêt que tu portes à poursuivre ton cursus académique dans les prochaines années.
    Ainsi, j'aimerais en savoir un peu plus sur l'apport de tes savoirs pratiques dans la construction de ton identité professionnelle. Je crois qu'il sera intéressant d'en savoir plus sur les blocages auxquels tu fais référence dans la section des savoirs pratiques qui découlent de ton expérience de stage. Est-ce principalement une difficulté de passer de la théorie à la pratique? Comment crois-tu que cela peut s'opérationnaliser? Est-ce qu'un grand bagage théorique est pour toi un gage de "solidité" en intervention? Considères-tu qu'il y ait une hiérarchie dans les différents savoirs?
    Je te rejoins sur la perception que le baccalauréat ne reflète pas nécessairement la réalité des milieux de pratique. Il y a encore une grande méconnaissance dans la population du rôle de travailleur social et la multitude de chapeaux que nous pouvons porter n’a rien pour aider, à mon avis. Personnellement, ça aura pris mon expérience de stage pour enfin sentir que mon milieu d’intervention concordait avec mon identité professionnelle. J’ai fait le bac à temps partiel sur 8 ans tout en travaillant en intervention à temps plein. J’ai fait de l’intervention de groupe et de l’intervention individuelle, mais je me rends compte que c’est l’intervention auprès des familles qui me fait vibrer. Je trouve donc que le baccalauréat à ça de beau : il peut convenir à toutes les couleurs d’intervenant. Qu’est-ce que ton stage au SAD t’a appris sur ta couleur d’intervention? Qu’est-ce qui motive ton choix de poursuivre tes études et à aller travailler dans le domaine de la santé mentale? Je te suggère le texte suivant pour poursuivre ta réflexion : Crête, J., Pullen Sanfaçon, A. & Marchand, I. (2015). L’identité professionnelle de travailleurs sociaux en devenir : de la formation à la pratique. Service social,61(1), 43–55. https://doi.org/10.7202/1033739ar
    Un autre aspect qui ressort de ton plan est l’apport du travail d’équipe dans l’intervention. C’est quelque chose qui résonne avec moi aussi. Comme on dit « tout seul on va plus vite, mais ensemble on va plus loin » ! Toutefois, plusieurs contraintes peuvent être présentes dans le travail interdisciplinaire, ce qui peut rendre son application dans notre quotidien d’intervention assez complexe. La lecture de ce mémoire pourrait être intéressante pour poursuivre cette réflexion, notamment en lien avec ton milieu de stage : Poudrier, M. (2016). Pratiques interprofessionnelles au quotidien dans un service de soutien à domicile en CSSS. [Mémoire de maîtrise, Université du Québec à Montréal]. Archipel. https://archipel.uqam.ca/8684/1/M14274.pdf
    Un dernier droit avant la fin du bac! On lâche pas! Beau travail Nelly 😊

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